Hommage à Samba Sangaré : Niantao, où est ta victoire ?

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C’était écrit que la vie de Samba Sangaré, l’une des ultimes mémoires du sinistre mouroir de Taoudénit où il séjournera dix longues années, s’arrêterait ce vendredi saint du 11 février 2011 à 10 h15 précises entre les mains qui l’aimèrent. Pas -heureusement- entre celles de Almamy Niantao, ce geôlier que le défunt décrivit comme une brute, un bourreau sans scrupule assoiffé de sang et responsables de tant de vies achevées sous la torture.

Contre la dictature de Dieu, l’homme n’est rien, y compris le grand Niantao qui peut aujourd’hui plastronner sur les médias publics, conseiller les enfants de la République sur le devoir et aspirer à la respectabilité mais qui n’aura pas pu empêcher Samba Sangaré de remporter plusieurs victoires. Première victoire, sous la cravache du bourreau, les rigueurs de Taoudenit, le corps incontestablement s’est ressenti des stigmates car bien des camarades d’âge de Samba Sangaré vivent encore très bien, mais la rage de survivre pour témoigner un jour, elle, a vaincu.

Et c’est ce qui a permis la deuxième victoire : la mémoire préservée et racontée par le détail dans un livre dont Tiebilé Dramé, exprimant son admiration devant le fils du défunt dira qu’il s’agit « de la première et  véritable anthologie nationale de l’horreur et des crimes commis au nom de l’Etat ». En effet dans «Dix ans au bagne-mouroir de Taoudenit» publié en 2000 sous l’aiguillage de Amadou Djikoroni Traoré, Samba Sangaré consigne, dans une clarté de cristal et un sens étonnant du détail, l’innommable, ses auteurs et ses victimes.

Cette œuvre est plus forte que toute conspiration de silence : elle traversera le temps, confiera à la postérité les crimes pour lesquels on ne voulait pas de témoin et questionnera, entre dédain et fatalisme, la grande maladresse collective devant l’impératif de vérité historique, seul préalable à un pardon stable et au courage devant notre part d’ombre. Troisième victoire, la superbe leçon de dignité que le regretté disparu a su donner devant la mort, gardant sa lucidité jusqu’au moment où le duel avec la mort ne le permettait plus, ciselant ses phrases avec la rigueur du self made man, re-convoquant sans cesse sa mémoire pour pouvoir témoigner de ce qui n’aurait jamais dû être ou être passé par les pertes et profits d’une histoire qui a tort d’ajourner son rendez-vous avec le miroir.

Cela bien sûr ne peut pas être la responsabilité de Samba Sangaré. Cet homme a fait ce qu’humainement il pouvait faire. Il nous laisse, mais ne nous laisse que le temps de le rejoindre. De lui, le doyen Amadou Djikoroni Traoré, voulant respecter le credo d’humilité de l’homme, évite les témoignages emphatiques pour ne retenir que ceci : « entre son décès et ses funérailles il s’est passé très peu de temps et pourtant ce fut une marée humaine qui l’accompagna.

C’est bien la preuve que ce pays sait distinguer entre l’ivraie et la bonne graine ». Donc entre l’imposture amidonnée et la vérité nue. Franchement, c’est très péniblement grand-frère, que nous te disons au revoir et merci. Et nous savons que nous ne vous offensons en disant notre admiration à la veuve éplorée. Maimouna Sangaré a été là au début et à la fin. Elle fait partie du combat âpre que tu as mené. Et aujourd’hui étant le jour pour tout dire, qu’elle sache simplement que nous sommes fiers d’elle.         
rn Adam Thiam    
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